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Le Petit Nuage de Gengis khan
Roman
Tchinguiz Aïtmatov
Dans ces contrées, les trains circulaient d'est en ouest et d'ouest en
est...
Ce n'était pas une mince affaire pour les
conducteurs que de distinguer dans la steppe, parmi les congères, la petite gare de Boranla-la-
Tourmentée. En ces nuits de février, aprèss'être frayé leur chemin à travers la tempête de
neige et cette brume blanchâtre que soulevaient sans répit, en mouvement rapide, les vents des
plaines glacées de Sara-Ozek, les trains de nuit
entraient et sortaient, tout enveloppés de ténèbres tourbillonnantes, comme en un rêve
inquiétant.
On eût dit alors que le monde renaissait du
chaos originel : dissimulées par les froids
polaires exhalés de leur sein, les steppes de
Sara-Ozek ressemblaient à un océan de brumes
né de la lutte grandiose entre la lumière et les
ténèbres...
Et chaque nuit, dans cette petite gare perdue
au milieu de l'immensité désertique, une fenêtre
brillait jusqu'au matin. Derrière, une âme au
désespoir et en proie à l'insomnie. Dans cette
baraque vivait la famille d'Aboutalip Kouttybaïev, attendant chaque jour son retour. A
plusieurs reprises, la nuit, sa femme Zaripa
taillait la mèche de la lampe à pétrole et, à la
lumière soudain renaissante, son regard s'arrê
tait sur leurs enfants, deux petits garçons à la
peau sombre dormant comme des petits chiens.
Parcourue par un frisson de froid, elle pressait
ses bras sur sa poitrine, les poings serrés,
alarmée à l'idée qu'ils puissent voir en rêve leur
père et se précipiter vers lui de toutes leurs
forces, les bras largement ouverts, riant et
pleurant à la fois, à qui des deux arriverait le
premier, sans jamais toucher au but... De jour,
ils le guettaient à chaque train qui s'attardait, ne
fût-ce que trente secondes, dans leur petite gare
d'évitement. Les wagons avaient à peine le
temps de s'immobiliser dans un grincement de
freins, que les garçons tendaient le cou en
direction de la fenêtre, prêts à s'élancer. Mais
les jours passaient sans apporter la moindre
nouvelle, comme si leur père avait été subite
ment emporté par une avalanche et que per
sonne ne pût dire ni où ni quand cela s'était
produit.
Ces mêmes nuits, une autre fenêtre - mais
armée de barreaux, celle-là - brillait sans
discontinuer jusqu'au matin. C'était à l'autre
bout du pays, dans les sous-sols de la prison
d'instruction d'Alma-Ata. Depuis déjà un mois
plein, Aboutalip Kouttybaïev y subissait jour et
nuit la lumière aveuglante d'une puissante
ampoule accrochée au plafond de sa cellule.
C'était une véritable torture. Il ne savait com
ment protéger ses yeux épuisés et sa pauvre tête
de cette lumière vrillante et tranchante comme
une lame, afin de cesser ne fût-ce qu'une
seconde de penser au pourquoi de son arresta
tion et à ce qu'on voulait de lui. Lui arrivait-il
dans la nuit de se retourner contre le mur et de
se couvrir la tête d'un pan de chemise, qu'aussi
tôt le surveillant qui le regardait faire par
l'œilleton surgissait dans la cellule pour le préci
piter à terre et le bourrer de coups de pied en
hurlant : " Ne te tourne pas contre le mur, salaud ! Et ne te couvre pas la tête, ordure
fasciste!... " II avait beau crier son innocence,
rien n'y faisait.
De nouveau il se retrouvait allongé sur le dos,
le visage tourné vers cette impitoyable lumière
électrique. Il plissait les paupières sur ses yeux
congestionnés et aspirait douloureusement à
l'obscurité, au noir complet, fût-ce celui de la
tombe, où son cerveau et ses yeux pourraient
cesser de fonctionner, où aucun surveillant,
aucun juge d'instruction ne serait plus en
mesure de lui infliger des tortures aussi insup
portables que cette lumière aveuglante, les pri
vations de sommeil et les coups.
Les surveillants se relayaient mais ils étaient
tous aussi intraitables, aucun d'eux ne se laissait
aller à la pitié ; pas un seul ne se serait même
autorisé à ne pas remarquer que le prisonnier
s'était tourné vers le mur ; bien au contraire ils
n'attendaient que cela pour le passer à tabac et
le couvrir d'injures. Aboutalip comprenait bien
les obligations d'un surveillant de prison. Pour
tant, au comble du désespoir, il se demandait
parfois : " Mais pourquoi se conduisent-ils
ainsi?... Apparemment, ce sont des hommes
aussi ! Comment peut-on porter autant de haine
en soi ? Je n'ai pourtant fait le moindre mal à
aucun d'entre eux, ils ne me connaissent pas
plus que je ne les connais, mais ça ne les
empêche pas de me maltraiter et de me rouer de
coups comme s'ils avaient à se venger ! Mais de
quoi?... Comment peut-on se conduire ainsi?
Comment peut-on en arriver là ? Pourquoi me
martyrisent-ils?... Comment le supporter?
Comment ne pas perdre la raison et se fracasser
la tête contre les murs s'il n'y a pas d'autre
issue?... "
Un jour, il n'y tint plus. Ce fut comme si un
éclair le traversait ; il ne comprit pas comment il
s'était pris de bec avec le surveillant, mais il
l'avait repoussé à coups de pied, et ils avaient
tous deux roulé à terre dans un pugilat acharné.
" Au front, il y a longtemps que je t'aurais foutu
une balle dans la peau comme à un chien
enragé ! " hurlait Aboutalip en arrachant le col
de la vareuse du garde et en lui enserrant le cou
de ses doigts engourdis. De fait, on ignore
comment l'affaire se serait terminée si deux
autres surveillants en faction dans le couloir
n'avaient brusquement surgi dans la pièce.
Aboutalip ne revint à lui que le lendemain. La
première chose qu'il vit dans un brouillard et au
travers de sa douleur, ce fut cette même lampe
du plafond. Puis l'aide-soignant qui s'affairait
autour de lui.
- Reste tranquille. Ce n'est pas encore cette
fois que tu passeras dans l'autre monde, lui dit
celui-ci a voix basse en lui appliquant des
compresses sur son visage tuméfié. Et ne t'avise
pas de recommencer ! Ils auraient pu t'achever
Agresser un garde!... Ils auraient pu te tuer
comme un chien, et l'affaire était terminée!
Remercie plutôt Tanssykbaïev. C'est de toi
vivant qu'il a besoin, pas de ton cadavre. Compris ?
Aboutalip restait hébété. Ce qui l'attendait lui
était alors complètement indifférent, et il mit du
temps a recouvrer son aptitude à la souffrance.
Il connut durant cette période des éclipses de
la raison, la perte du sens des réalités et une
conscience amoindrie qui lui servait de défense
vitale. Dans ces moments-là, il ne cherchait pas
a se protéger de la lumière, mais se tendait au
contraire vers ce rayonnement impitoyable qui
le rendait fou. Il avait alors l'impression de
flotter dans les airs à la rencontre de la source
de sa douleur, tout en faisant effort sur lui-
même pour surmonter l'attraction de cette
lumière aveuglante, et ne pas se dissoudre,
disparaître dans le non-être.
Même alors, sa conscience martyrisée ne lui
faisait pas perdre le lien avec ceux qu'il avait
laissés, et la souffrance, la peur qu'il ressentait
pour sa famille subsistaient pleines et entières
en lui.
Cette douleur insupportable à la pensée des
siens restés à Sara-Ozek poussait Aboutalip à
s'accuser lui-même, à chercher quelle faute il
avait bien pu commettre qui méritât effectivement ce châtiment. Mais il n'en voyait aucune.
Ce n'était quand même pas d'avoir été -
comme des milliers d'autres - encerclé et fait
prisonnier par les Allemands?!... Quel châtiment cela méritait-il donc? Et puis la guerre
était loin et tous les comptes avaient été réglés
depuis longtemps, par le sang et les années de
camps. Pourtant, tous ceux qui l'avaient faite
pouvaient bien arriver au soir de leur vie,
l'autocrate, lui, n'en poursuivait pas moins sa
vengeance sans faiblir. Comment, autrement,
comprendre ce qui arrivait ?... Ne trouvant pas
de réponse à ses interrogations, Aboutalip se
laissait aller à rêver qu'un de ces jours on
s'apercevrait qu'il avait été victime d'un regrettable malentendu. Alors lui, Aboutalip Kouttybaïev, serait prêt à oublier toutes les offenses
pour peu qu'on le libère au plus vite et qu'on le
renvoie chez lui. Il y filerait aussitôt, il y volerait
même, vers ses enfants, vers sa famille, là-bas à Sara-Ozek, à la petite gare d'évitement de
Boranla-la-Tourmentée où l'attendaient avec
impatience ses deux petits, Ermek et Daoul, et
sa femme Zaripa qui, dans cette steppe recouverte par la neige, protégeait leurs enfants
comme le fait l'oiseau sous son aile, contre son cœur palpitant, et par ses larmes et ses prières,
tentait de toucher, convaincre et adoucir le sort,
et d'obtenir miséricorde et salut pour son mari...
Pour ne pas hurler de douleur, pour ne pas
perdre la raison, Aboutalip se mit à chercher
dans le fantasme un apaisement, même trompeur : il se voyait alors, acquitté et libéré,
réapparaître soudainement chez lui. Il s'imaginait sautant du marchepied d'un train de
marchandises et courant à la maison, et sa femme et
ses enfants accourant à sa rencontre... Mais ces
quelques minutes d'illusion passées, il revenait
à la réalité comme on se dégrise et tombait dans
l'abattement. Il lui semblait alors que les affres
du père et de la mère dans le Supplice de Sara-Ozek - cette légende qu'il avait transcrite
autrefois - et l'adieu fait à leur petit avaient
quelque chose d'éternel qui le concernait également. Car lui aussi avait été condamné à être
séparé des siens... Or qui d'autre que la Mort
était en droit d'imposer à des parents et à leurs
enfants une telle séparation ?
Dans ces instants pénibles, Aboutalip pleurait
sans bruit et en avait honte. Mais comment
arrêter le flot des larmes qui roulaient sur ses
fortes pommettes comme les premières gouttes
d une ondée sur les rochers? Il n'avait Jamais
tant souffert, même à la guerre ! A l'époque
c'était une tête brûlée, mais il était indépendant,
alors qu'aujourd'hui c'est dans les enfants qu'il
voyait le sens éminent de l'existence, et dans
leur présence le plus grand bonheur de tout
homme comme sa plus grande tragédie s'il
venait à en être dépossédé... Il était désormais
convaincu de l'importance que revêt la vie au
moment où l'on va la perdre quand, illuminée
par la sinistre lumière précédant la sortie dans
les ténèbres, sonne la dernière heure, celle des
bilans. Or dans la balance, les enfants comptent
par-dessus tout. Peut-être est-ce pour cela que
dans la nature, tout est fait pour que les parents
consacrent en priorité leur vie à élever leur
descendance. Aussi, les priver de leurs enfants
revient-il à les empêcher de remplir leur mission, donc à vouer leur vie au néant. Qu'il était
dur, dans ces instants de lucidité, de ne pas
sombrer ! Bouleversé par la vision si réelle des
retrouvailles avec sa femme, Aboutalip comprenait combien il était illusoire d'entretenir la
moindre espérance. Il cédait chaque jour un
peu plus à la mélancolie, sa volonté faiblissait, et
le désespoir s'accumulait en lui comme la neige
mouillée sur un flanc pentu de montagne jusqu'à ce que soudain une avalanche l'emporte...
Or c'est précisément ce que voulait le juge
d instruction Tanssykbaïev, ce qu'il recherchait
méthodiquement, sans relâche, en déroulant
cette " affaire " qu'il avait diaboliquement
conçue - avec l'approbation de ses supérieurs
-, l'affaire de l'ex-prisonnier de guerre Aboutalip Kouttybaïev, de ses liens avec les services
secrets anglo-yougoslaves et de ses menées
idéologiques subversives parmi la population
des districts reculés du Kazakhstan. Ainsi était
formulée " l'affaire ". Restait pour l'instruction
à préciser et à qualifier quelques détails, ainsi
qu'à obtenir les aveux complets de l'accusé,
mais l'essentiel se trouvait d'ores et déjà dans la
formulation d'une accusation qui était d'une
extrême actualité politique et témoignait de
l'exceptionnelle vigilance et du zèle de Tanssykbaïev. Mais si celui-ci tenait là l'affaire de sa vie,
c'était un véritable traquenard pour Aboutalip
car une formulation aussi terrifiante ne pouvait
conduire qu'à des aveux complets des crimes
mentionnés et à leurs conséquences, sans
aucune échappatoire possible. C'était entendu à
l'avance : l'accusation elle-même tenait lieu de
preuve indiscutable à ce crime.
C'est pourquoi Tanssykbaïev pouvait dormirtranquille : cet hiver-là devait voir l'apogée de
sa carrière. Jusque-là, il avait végété plusieurs
années au grade de commandant par suite
d'une petite négligence, mais de nouvelles perspectives s'offraient désormais à lui. Il n'était pas
fréquent, au fin fond d'une province, de dégoter
une affaire comme celle-là. Il avait vraiment tiré
le gros lot !
Oui, en ces jours de février 1953, l'Histoire
était bienveillante envers Tanssykbaïev ; on
aurait même dit que toute l'histoire du pays
n'existait que pour servir avec empressement
ses intérêts. Il sentait moins consciemment
qu'intuitivement le service qu'elle lui rendait en
renforçant la signification éminente de sa mission dans le même temps qu'elle le magnifiait à
ses propres yeux, ce qui l'excitait et l'enthousiasmait. Il lui arrivait de s'étonner lui-même en
se regardant dans un miroir : il y avait longtemps que ses yeux de faucon, ses yeux qui ne
cillaient pas, n'avaient brillé d'un tel éclat. Il se
rengorgeait alors et chantonnait dans un russe
parfait : " Nous sommes nés pour transformer
le rêve en réalité... "1 Sa femme, qui partageait ses attentes, était également de fort belle
humeur et disait à l'occasion : " Oui, oui, bientôt
nous aussi nous toucherons notre dû. " Et leur
fils, élève de terminale et militant du komsomol,
qui par ailleurs n'était pas toujours un modèle
d'obéissance, prenait, lorsqu'il était question de
ces espoirs sacrés, un ton pénétré pour demander : " Papa, allons-nous bientôt t'entendre
appeler " Mon colonel " ?" Il y avait à cela des
raisons solides, quoique ne concernant pas
directement Tanssykbaïev.
Quelque six mois auparavant, en effet, s'était
déroulé à Alma-Ata un procès à huis clos : un
groupe de nationalistes bourgeois kazakhs y
avait comparu devant un tribunal militaire. Ces
ennemis du peuple travailleur y avaient été
sans pitié, mis définitivement hors d'état de
nuire: deux d'entre eux avaient été fusillés
pour des travaux scientifiques en langue
kazakhe qui idéalisaient le passé patriarcalo-féodal maudit; deux autres, collaborateurs de
l'Institut de philologie et de littérature de l'Académie, avaient été condamnés à vingt-cinq ans
de travaux forcés, et les autres à dix ans.. Mais
l'essentiel dans tout cela était les importantes
marques d'encouragement qui avaient été
ensuite prodiguées par l'Etat aux collaborateurs
des services de sécurité ayant pris une part
directe a cette entreprise de dénonciation et
d'éradication des nationalistes bourgeois. Il est
vrai qu elles avaient été tenues aussi secrètes
que le procès, mais cela ne diminuait en rien
leur poids. Réduction d'ancienneté pour les
avancements de grade, attribution de décorations et médailles, importantes gratifications
pour accomplissement exemplaire de la mission
confiée, citations à l'ordre du jour et autres
marques d attention, voilà qui embellissait la vie. De même, l'installation des plus méritants dans
des appartements neufs était tout à fait bienvenue Tout cela était fort propre à donner de
l'autorité, a rendre la voix plus mâle et la
démarche plus assurée.
/.../
Au cours de sa campagne d'Occident, lors de
laquelle il avait entraîné son peuple-armée a
travers les immensités de l'Asie, Gengis khan fit
pendre l'un de ses officiers ainsi que la Jeune
femme qui brodait au fil d'or sur les étendais
de soie des dragons soufflant le feu. Cela se
passa dans les steppes de Sara-Ozek
À cette époque, la majeure partie de l'Asie
était déjà passée au pouvoir de Gengis khan
partagée en oulouss (fiefs) entre ses fils, ses
généraux. Maintenant était à l'ordre du jour
le destin des territoires situés au-delà de l'Edile
(c'est ainsi que l'on appelait alors la Volga),
le destin de l'Europe.
Dans les steppes de Sara-Ozek, c'était déjà
l'automne. Des pluies aussi drues que soudaines
avaient alimenté les petits lacs et rivières
asséchées par l'été ; les chevaux auraient donc à
boire en route. L'immense armée se hâtait, car
la traversée de ces steppes était considérée
comme la partie la plus difficile de la campagne
Trois armées avançaient sur un front très
étendu, trois toumane de dix mille guerriers
chacune, dont on pouvait juger la puissance à
leur allure, à la poussière soulevée par le
sabots de leurs chevaux, et qui flottait dans l'air
sur des kilomètres à l'horizon, telle une fumée
d'incendie. Derrière, un autre nuage de poussière obscurcissait le ciel : c'étaient les deux
autres toumane comprenant les chevaux de
réserve, les convois et les troupeaux promis à
l'abattage quotidien. D'autres forces armées
encore, comprenant également trois toumane
chacune, composaient les ailes droite et gauche ais on ne pouvait les voir, car elles se
trouvaient à plusieurs jours de cheval. Elles se
dirigeaient également vers l'Edile, sur les
berges duquel devait avoir lieu, au début des
grands froids, une réunion des onze généraux à
l'état-major du Grand Khan. Là serait décidé de
la suite de la campagne, à commencer par la
traversée du fleuve pris par les glaces qui
ouvrirait la route des mirifiques pays d'Europe
que Gengis khan - mais aussi chacun de ses
officiers et de ses cavaliers - rêvait de soumettre.
Les troupes avançaient donc en un mouvement ininterrompu, sans perdre de temps, avec
les convois. Et les femmes... Là était le malheur
Gengis khan lui-même, accompagné de sa garde
personnelle d'un demi-millier d'hommes,
se trouvait au centre de ce mouvement, tel une
île qui flotterait. Mais il allait seul devant. Le
Maître du monde n'aimait pas la foule autour de
lui, surtout en campagne, quand il faut par-dessus tout du silence pour regarder devant soi
et penser aux opérations.
Il chevauchait Khouba, son cheval ambleur
préféré, à la peau lisse comme un galet, au
poitrail et au garrot puissants, à la crinière
blanche et à la queue noire, et dont la marche
souple et régulière l'avait porté déjà à travers la
moitié du monde. Deux chevaux de réserve non
moins résistants et rapides le suivaient, sans
bagage et harnachés aux éclatantes couleurs
des emblèmes royaux. Le khan avait coutume
de changer de monture dès les premiers signes
de fatigue de celle-ci.
L'entourage de Gengis khan était assurément
remarquable : sa garde de kezegoul et de jassaoul ignorant la peur et dont la vie lui appartenait plus qu'à eux-mêmes (ce corps d'élite était
précisément trié, et sévèrement, sur ce critère),
et leurs chevaux tout aussi magnifiques et aussi
rares qu'une pépite d'or dans la nature. Mais il y
avait quelque chose de plus remarquable
encore : depuis le début de sa campagne, un
nuage blanc le suivait dans le ciel, le protégeant
des rayons du soleil. Partout où il se dirigeait, le
nuage l'accompagnait. Un petit nuage blanc de
la taille d'une grande yourte, attaché à ses pas
comme un animal.
/.../
Notice bibliographique du SUDOC (Système universitaire
de documentation)
x Le petit nuage de Gengis Khan : roman / Tchinguiz Aïtmatov ; trad. du
russe par Richard Roy. - Paris : Éd. Messidor, 1991
(18-Saint-Amand-Montrond : Impr. SEPC). - 147 p : couv. ill. en coul ;
22 cm. - (Littérature soviétique d'aujourd'hui) . - Trad. de: Belaïa
toutchka Tchinguiskhana. - 9782209065042
ISBN 2-209-06504-6 (br.) 95 F
Collection: Littérature soviétique d'aujourd'hui, ISSN 0993-5266 ;
1991
Titre original: Belaâ tucka Cingishana
AIX-MARSEILLE1-BU Le / LIMOGES-BUFR Lettres / PARIS-Bibl.Langues O /
PARIS-Bibl.Sainte Ge
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